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"En Mongolie, les familles nomades sont confrontées à un avenir incertain"

Erdenetuya Jambal

Loin de l’image idéalisée que beaucoup se font de la vie nomade en Mongolie, celle-ci demeure pleine d’incertitudes, de défis et constitue, sous de nombreux aspects, une lutte quotidienne pour la survie des siens. Erdenetuya Jambal, directrice de nos programmes en Mongolie, explique comment FXB oeuvre pour sortir les familles nomades de l’état d’extrême pauvreté dans lequel elles vivent.

Les dures réalités et les défis multiples auxquels sont confrontées les familles nomades en Mongolie – qui représentent environ 25 à 30 % de la population – restent souvent à l’arrière-plan, mal-compris ou simplement ignorés. En première ligne de la lutte contre la pauvreté dans le pays, FXB s’attaque aux causes profondes des inégalités auxquelles sont confrontées ces familles dont le mode de vie traditionnel et la survie même sont de plus en plus menacés.

Se déplaçant généralement trois à quatre fois par an entre les basses et hautes terres afin de trouver le meilleur sol pour élever leur bétail, le mode de vie et l’existence des familles nomades de Mongolie sont profondément liés à la terre et à la ronde des saisons. La survie de la plupart de ces familles dépend en grande partie de leur bétail et de l’élevage – principalement de chevaux, de moutons, de vaches ou de chèvres – qui leur fournit également la laine ou le cachemire dont elles feront usage au cours des rudes mois d’hiver, ou en vue de les vendre sur les marchés locaux.

Un mode de vie traditionnel menacé

“Les familles nomades ne vivent pas dans un isolement complet par rapport au reste de la société”, explique la directrice des programmes FXB en Mongolie, Erdenetuya Jambal, loin de là. Mais l’essor économique qu’a connu la Mongolie après des décennies difficiles au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, n’a pas profité aux familles les plus pauvres qui vivent encore dans les conditions les plus précaires.

En raison du manque de revenus et d’opportunités offertes par leur mode de vie traditionnel, de nombreuses familles sont forcées de s’installer dans des quartiers péri-urbains – où la yourte traditionnelle se mêle à une structure plus permanente – l’équivalent mongol de grands bidonvilles situés à la périphérie de la capitale Oulan-Bator et d’autres villes, et où les taux d’extrême pauvreté atteignent des niveaux alarmants.

Le manque de planification et de diversification économiques dans un pays où l’exploitation minière représente à elle seule près d’un tiers du PIB a laissé de nombreuses familles nomades en marge, luttant pour joindre les deux bouts. Simultanément, l’écart de richesse avec le reste de la population ne cesse de se creuser et les conditions climatiques extrêmes font peser un risque croissant sur leur mode de vie.

C’est ici que FXB Mongolie entre en jeu. “Nos programmes VillageFXB en Mongolie s’adressent aux familles les plus pauvres et les plus vulnérables, certaines nomades et d’autres pas”, explique Erdenetuya Jambal, une ancienne enseignante qui a rejoint l’organisation il y a cinq ans, impressionnée, selon ses propres termes, par “l’efficacité” de la méthodologie de lutte contre la pauvreté conçue par FXB il y a près de trente ans.

Au-delà de l’aspect financier

“Les gens raisonnent souvent de la sorte : Si j’avais un million de dollars, que ferais-je et comment ma vie changerait-elle ? Mais c’est complètement irréaliste”, pointe-t-elle. “L’une des principales raisons qui m’ont donné envie de rejoindre FXB était de voir l’impact que l’on pouvait avoir sur la vie des familles pauvres avec si peu. En seulement trois ans, des personnes qui n’avaient presque rien peuvent subvenir aux besoins de toute leur famille et devenir des agents du changement au sein de leur communauté”. La capacité à développer une ‘activité génératrice de revenus’ n’est pas le seul avantage des programmes FXB pour les familles nomades. “De nombreuses familles nomades en Mongolie n’ont pas les informations de base quant à leurs droits fondamentaux, notamment sur le type d’aides gouvernementales auxquelles elles ont droit. Ils ne savent pas non plus qu’ils ont droit à une assurance maladie et ne vont donc pas à l’hôpital, pour la simple raison qu’ils ne savent pas comment cela fonctionne. Nos programmes FXB abordent toutes ces questions et leur fournissent les outils pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits”.

Compte tenu des multiples défis auxquels sont confrontées les familles nomades en Mongolie, ce soutien est essentiel, et l’est devenu encore plus à l’ère du COVID-19. “Voisine de la Chine, la Mongolie a débuté son confinement, récemment prolongé au moins jusqu’à la fin novembre, en décembre 2019”, explique Erdenetuya. “Nous n’avons pas été en mesure de mener des sessions de formation ou de faire des visites à domicile avec nos bénéficiaires. Nous essayons néanmoins toujours de rester en contact, lorsque cela est possible, avec les familles, et de leur fournir un ensemble de biens de première nécessité, comme des fournitures scolaires, des masques de protection, du gel désinfectant, etc.”

De criantes inégalités en termes d’éducation

Alors que de nombreuses familles avaient déjà du mal à joindre les deux bouts, la crise du coronavirus n’a fait qu’empirer les choses. “Heureusement, beaucoup de nos bénéficiaires ont pu continuer à exercer au moins une partie de leur activité économique, et disposaient également d’économies sur lesquelles ils pouvaient compter. Mais de nombreuses familles nomades continuent d’être confrontées à un avenir incertain”, commente la directrice des programmes FXB, bien consciente que la pandémie a dûrement touché les populations les plus vulnérables de Mongolie, y compris les enfants des familles les plus pauvres inscrites aux programmes VillageFXB.

En Mongolie, où l’éducation primaire est obligatoire et gratuite dès l’âge de 6 ans, les enfants des familles nomades sont habituellement envoyés dans des dortoirs pour aller à l’école en ville : cela implique une séparation dès le plus jeune âge, mais les pousse également à devoir s’adapter à un style de vie entièrement nouveau, ce que de nombreux enfants ont du mal à faire. En conséquence, beaucoup décident de retarder leur entrée à l’école ou d’abandonner les études plus tôt, entraînant un écart important en termes de niveau de scolarisation par rapport au reste de la population.

Briser le cycle de la pauvreté

En s’attaquant aux causes premières de l’extrême pauvreté, les programmes FXB permettent aux personnes vulnérables de devenir autonomes et auto-suffisantes malgré ces inégalités structurelles, comme l’explique Erdenetuya, se remémorant les nombreux témoignages de bénéficiaires. “Je pense régulièrement à Eyeldeg, une mère de trois enfants dont toute la famille vivait dans des conditions extrêmement précaires. Elle avait toujours eu l’ambition et le rêve de faire quelque chose pour améliorer leurs conditions de vie, mais l’occasion ne s’est jamais présentée… jusqu’à ce qu’elle soit sélectionnée dans notre programme VillageFXB”, nous raconte-t-elle. “Elle a pu démarrer son entreprise et lancer toute une série d’activités différentes pour soutenir et subvenir aux besoins de sa famille – y compris en confectionnant des masques de protection tout au long du confinement”.

Mais la transformation qui s’est opérée chez va bien au-delà d’une simple augmentation de revenus et d’une amélioration des conditions financières. “Chaque fois que je la vois, elle me confie que notre programme lui a redonné de l’espoir. Elle me dit également qu’elle passait jusqu’alors tout son temps à la maison, mais fait maintenant partie d’une communauté d’autres femmes entrepreneures, qui travaillent ensemble pour améliorer leurs conditions de vie et assurer un meilleur avenir pour leurs enfants. C’est vraiment cela qui fait notre fierté”.