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"Nous voulons montrer au monde que la jeunesse de Gaza mérite mieux"

Omar Shaban

Omar Shaban, fondateur de PalThink for Strategic Studies et partenaire de FXB à Gaza, nous explique pourquoi la communauté internationale doit prêter une plus grande attention à ce qui se passe dans l’une des régions les plus pauvres du monde.

“Pendant longtemps, Gaza a été l’un des endroits les plus attractifs du monde arabe”, nous dit Omar Shaban, qui a fondé et dirige l’ONG locale PalThink for Strategic Studies. “Située au carrefour de l’Afrique et de l’Asie, Gaza était autrefois une mosaïque incroyablement diverse de cultures, de religions et d’ethnicités”, ajoute cet homme, de confession musulmane ayant dirigé une organisation chrétienne pendant près d’une décennie. “Mais cette diversité sociale et cette richesse culturelle ont presque entièrement disparu aujourd’hui”.

Quand la violence s’impose comme unique alternative

L’une des zones les plus densément peuplées de la planète, Gaza souffre aujourd’hui de taux records de chômage (environ 50 % de la population, et jusqu’à 70 % pour les moins de 30 ans) et de pauvreté (la moitié de la population, selon la Banque mondiale), tandis qu’environ 70 % des habitants sont confrontés à l’insécurité alimentaire, selon les données officielles publiées avant la pandémie. La situation n’a fait qu’empirer depuis la prise de contrôle militaire de Gaza par le Hamas, il y a plus de dix ans, et le blocus imposé par les pays voisins, Israël et l’Égypte.

“Les 2 millions d’habitants de Gaza sont les premières victimes de l’isolement et de l’insécurité”, note Omar. “Les Gazaouis sont incroyablement talentueux et pacifiques de nature”, poursuit-il, “mais lorsque des milliers de jeunes sortent chaque année de l’université sans emploi, sans perspectives d’études à l’étranger et sans opportunités professionnelles, la violence apparaît malheureusement souvent comme la seule voie possible”.

Les habitants de Gaza sont loin d’être exempts des accès de violence et de brutalité. Même les jeunes de moins de 25 ans, qui représentent 65 % de la population totale, ont déjà connu trois guerres avec Israël, sans parler des affrontements transfrontaliers sporadiques entre le Hamas et Israël – le dernier en date toujours en cours.

Une lueur d’espoir

“Je dois rester avec mon peuple, je ne veux pas partir”, confie Omar, dont les deux fils ont étudié en France et vivent maintenant en Europe. Alors que l’action de la communauté internationale se concentre principalement sur la fourniture d’aide humanitaire d’urgence nécessaire, mais de court-terme, Omar se déclare engagé à soutenir les ONG locales qui ont un impact durable sur la vie quotidienne des habitants de Gaza.

L’une d’entre elles est FXB. La fondatrice de FXB, Albina du Boisrouvray, avait un projet pour Gaza et cherchait un partenaire. Elle a pris contact avec Omar, et tous deux ont décidé d’agir en faveur des principales victimes de la situation, ces mêmes personnes destinées à façonner l’avenir du pays : la jeunesse de Gaza. Depuis lors, les deux organisations, PalThink for Strategic Studies et FXB France, ont impacté la vie de plus de 12 000 personnes en lançant, soutenant et organisant d’innombrables programmes, activités et projets, souvent en partenariat avec d’autres organisations, éducateurs et militants locaux, avec un objectif clé : promouvoir et diffuser une culture de non-violence, de paix et de tolérance au sein de la société palestinienne, en se concentrant particulièrement sur les enfants et de jeunes de Gaza.

“Il est difficile de parler d’un projet spécifique, il y en avait tellement ! Je pourrais parler de la fois où nous avons rassemblé une multitude d’enfants sur la plage faisant voler une armada de cerfs-volants avec des symboles d’espoir et de paix ; ou lorsque nous avons aidé un groupe de jeunes à monter des pièces de théâtre sur les thèmes de la non-violence et de la tolérance, qu’ils ont ensuite jouées dans les écoles de Gaza ; ou, plus récemment, lorsque nous avons organisé une compétition sportive amicale pour les femmes en situation de handicap”, dit Omar, se remémorant avec joie tous ces événements. “Mais à chaque fois, nous voulons simplement montrer au monde que la jeunesse de Gaza mérite mieux”.

Vers un mouvement régional pour la non-violence

Trois ans après avoir rencontré la fondatrice de FXB, Albina du Boisrouvray, Omar est convaincu de l’impact positif de leur initiative commune. “Notre programme avec FXB France a constitué un tournant pour Gaza, et a lancé une certaine dynamique”, explique-t-il. “Bien sûr, nous avons dû suspendre nos activités en présentiel pendant deux mois en raison de la pandémie, mais nous sommes restés engagés et nous continuerons à travailler pour toutes les personnes auxquelles le grand public ne pense pas et desquelles il ne se soucie que très peu, les personnes qui ont le plus besoin de notre aide”.

Avec environ 18 000 cas d’infection confirmés à Gaza et en Cisjordanie, et environ 120 décès dus à la maladie, la bande de Gaza semble avoir été relativement épargnée par le nouveau coronavirus. “Pour une fois, le blocus a du bon”, déclare Omar, soulignant que l’isolement de la bande de Gaza a très certainement contribué au faible nombre d’infections observé par rapport au reste de la région.

“Evidemment, la situation est plus nuancée”, s’empresse-t-il de rectifier, expliquant à quel point les derniers mois ont été durs pour la population gazaouie : la pandémie et les restrictions ont mis en danger la vie de milliers d’habitants, incapables de traverser la frontière pour se faire soigner en Israël, en Égypte ou en Cisjordanie. Une autre tendance inquiétante évoquée par le fondateur de PalThink est l’augmentation soudaine du nombre de suicides chez les jeunes de Gaza, vraisemblablement liée à la pression socio-économique supplémentaire apportée par la crise sanitaire mondiale.

Après les longues semaines de confinement, Omar est impatient de poursuivre le travail mené avec FXB France. “Mais nous voulons aller plus loin”, conclut-il, “et créer un véritable consortium régional pour la non-violence dans la région, et non seulement continuer à insuffler de l’espoir dans la vie de milliers d’enfants et de personnes vulnérables à Gaza, mais également créer des liens et construire des ponts entre la jeunesse palestinienne et israélienne, voire au-delà”.