Notre fondatrice

Née à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Albina du Boisrouvray est de ces figures qui marquent leur époque par la grandeur de leur œuvre et la force de leur action.
Membre d’une grande famille franco-bolivienne, elle se rebelle très tôt contre ce milieu aristocratique, conventionnel et “réactionnaire”. 

Une fois adulte, elle prend son destin en main et devient journaliste, notamment pour le Nouvel Observateur — c’est elle qui révèle à l’Express le scoop sur les conditions de la mort du Che Guevara et des photos de vie quotidienne des guérilleros dans la jungle — puis productrice de cinéma à succès avec sa société Albina Productions qu’elle fonde en 1970.

En 18 ans de carrière, elle a produit 22 films. On lui doit notamment les films comme 36, le Grand Tournant (1969, chez Pathé Cinéma) Les Zozos (1972) , L’important c’est d’aimer  (1975) d’Andrzei Zulawski, Police Python (1976) ou encore Fort Saganne (1984) d’Alain Corneau. 

Parallèlement, Albina du Boisrouvray fonde avec l’écrivain espagnol Juan Goytisolo la revue littéraire Libre en 1970,  publiant les œuvres d’écrivains latino-américains tels qu’Octavio Paz, Mario Vargas Llosa Gabriel Garcia Marquez ou Carlos Fuentes.

Des causes gauchistes du monde à mai Mai 68, de la cause écologique en passant par les combats pour l’émancipation des femmes, Albina du Boisrouvray a été au cœur des luttes majeures de la deuxième moitié du XXe siècle. 

En janvier 1986, une foudroyante tragédie vient bouleverser son existence : la mort tragique de son fils unique François-Xavier Bagnoud, lors du Paris-Dakar, dans le crash de l’hélicoptère à bord duquel il transportait Thierry Sabine, directeur de la course et Daniel Balavoine. 

Aux ténèbres, elle oppose une allégeance lumineuse à la vie : elle abandonne sa brillante carrière de productrice de cinéma pour défendre la cause des dizaines de millions d’enfants vulnérables victimes de la pandémie dévastatrice du sida, et de femmes sans accès à leurs droits de base.

Après avoir passé deux ans avec Médecins du Monde , au cours desquels elle est partie en mission au Liban pendant la guerre, Albina consacre toute son énergie, sa créativité, son expérience et sa crédibilité d’entrepreneuse à des causes humanitaires, ainsi qu’au développement social et à la recherche sur de nombreux projets dans le monde entier. 

En 1989, elle décide de consacrer 3/4 de sa fortune — héritée en 1980 — pour créer une première Fondation et des ONG d’aide humanitaire militantes qui arborent le nom et les initiales de son fils François-Xavier Bagnoud (FXB), dont la première, l’Association François-Xavier Bagnoud, opérait depuis le Valais, en Suisse.

En 1990, elle apporte, avec cette première Fondation FXB, une aide substantielle aux recherches et aux initiatives du Dr James Oleske — décrit alors par le New York Times comme « un leader dans la lutte contre le SIDA » — notamment à travers le financement de programmes du  FXB Center et d’une chaire à la Rutgers New Jersey Medical School dans le but d’améliorer le programme clinique local et disséminer l’expertise du FXB Center afin de faire face à la pandémie mondiale de VIH qui était en forte progression.

« Elle se souciait des enfants orphelins du sida alors que personne d’autre ne le faisait »

  • Dr James Oleske,pédiatre, chercheur pionnier sur le VIH/sida, professeur émérite à la Rutgers New Jersey Medical School

La même année, la première Fondation FXB décide de financer la construction d’un nouveau bâtiment d’aérospatiale et d’aéronautique sur le campus de l’université de Michigan, à Ann Arbor, là où François-Xavier avait fait ses études d’ingénieur : le FXB Building. Avec l’octroi également de bourses d’étude, ce bâtiment abritera des laboratoires de recherche, des salles de cours, des bureaux, une salle de conférence et une bibliothèque, contribuant ainsi au développement des connaissances et à la formation des futures générations de professionnels dans le domaine. Situé au sud-est du FXB Building, le Wave Field est un mémorial dédié à François-Xavier Bagnoud et constitue une véritable œuvre d’art. Cette sculpture en terre, représentant un champ de vagues, se transforme au fil de la journée sous l’effet des variations de lumière et des jeux d’ombres. Elle a été conçue et réalisée par Maya Lin, artiste renommée notamment pour la création du mémorial des vétérans du Vietnam à Washington, D.C., ainsi que du mémorial des droits civils à Montgomery, en Alabama. Au fil des années, d’autres initiatives ont été entreprises, telles que la création du FXB Flight Institute ou encore l’instauration des FXB Aerospace Prizes.

À partir de 1991, Albina du Boisrouvray met en place, en Afrique,  le modèle VillageFXB , un programme pionnier et holistique de trois ans visant à éradiquer l’extrême pauvreté au sein de familles et de communautés frappées par le sida, afin que devenues économiquement autonomes, elles puissent élever, avec un avenir, leurs enfants et les orphelins recueillis.

Ce programme, qui était une transgression révolutionnaire pour l’époque, a marqué un changement radical et novateur dans la manière dont l’aide était administrée, apportant un changement durable et autosuffisant aux personnes et aux communautés. 

« Cette approche consiste à fournir une activité génératrice de revenus, sans remboursement ni intérêts, qui permet de remonter du sous-sol de l’extrême pauvreté au rez-de-chaussée, en trois ans, des familles totalement destituées et accéder à leurs besoins fondamentaux, le tout dans le cadre d’un investissement plus vaste dans la capacité des personnes pauvres à atteindre et à maintenir une bonne santé et un bien-être à long terme. En 1989, l’approche à la mode pour éradiquer la pauvreté était une focalisation unique sur le microcrédit : prêter de l’argent aux personnes pauvres, en particulier aux femmes, pour qu’elles créent une entreprise autonome. J’ai vite compris, cependant, que les personnes vivant dans une pauvreté extrême et permanente ne seraient jamais en mesure de rembourser cet argent, à moins de mettre fin à leur entreprise dans le processus. »

  • « Health is not alone », Albina du Boisrouvray in « To Save Humanity ». What Matters Most for a Healthy Future, Edited by Julio Frenk and Steven Hoffman, 2015, Oxford University Press

En 1993, Albina du Boisrouvray fonde le Centre François-Xavier Bagnoud pour la santé et les droits humains à Harvard dans le cadre d’un don, de la première Fondation FXB, d’un bâtiment et d’une chaire à la Faculté de Santé Publique.

Son objectif ? Créer un parapluie de protection au-dessus des enfants vulnérables du monde, les oubliés, ceux qu’elle appelle la génération larguée. Promouvoir à travers des recherches du Centre FXB un monde qui respecte les droits humains de tous, avec une attention particulière aux enfants, et les protège des injustices engendrées par la discrimination, la pauvreté, les conflits, les catastrophes et l’oubli : voilà la mission du centre. 

Le grand professeur d’Harvard Jonathan Mann, complice et ami d’Albina du Boisrouvray, a pu y déployer son paradigme qui met l’accent sur le lien inextricable existant entre la santé et l’accès aux droits humains de base.  C’était pour étendre l’enseignement, la recherche et le militantisme de ce pionnier de la lutte contre le VIH/sida qu’Albina du Boisrouvray a imaginé le Centre FXB.

L’approche de Jonathan Mann était limpide et visionnaire: la santé publique ne peut avoir un impact durable que si les facteurs sociaux et culturels — qui augmentent le risque de maladie et empêchent les gens d’accéder à leurs droits essentiels — sont traités simultanément.

Le centre travaille actuellement avec un groupe diversifié d’universitaires, d’éducateurs, d’élus, d’agences gouvernementales, d’organisations à but non lucratif et de membres de la communauté politique internationale pour faire progresser ce binôme de la santé et des droits humains. 

Des couloirs de l’ONU aux amphithéâtres d’Harvard en passant par la maison de Nelson Mandela et les égouts d’Oulan Bator, Albina du Boisrouvray s’est battue aux 4 coins de la planète pour améliorer la vie des orphelins du sida, des prostituées thaïlandaises et birmanes ou des familles pauvres du Rwanda après le génocide des Tutsi.

Décrite par le Time Magazine comme l’une des « héros européens » et comme une sorte d’alchimiste « ayant transformé une tragédie en amour pour 100 millions d’orphelins du sida et d’enfants vulnérables en raison de cette pandémie », Albina du Boisrouvray a reçu de nombreux prix et distinctions pour l’ensemble de son travail. 

Parmi eux figurent les titres d’Officier des Arts et des Lettres, d’Officier de l’Ordre National du Mérite et d’Officier de la Légion d’Honneur ; le Prix Nord-Sud du Conseil de l’Europe ; le titre de Docteur en Lettres Humanistes de l’Université du Michigan ; le titre de Docteur en Lettres Humanistes de l’Université Rutgers ; le titre de John Harvard Fellow de l’Université Harvard; un Prix de Reconnaissance Spéciale pour sa « Réponse à la crise des orphelins du sida  » lors de la seconde conférence sur les stratégies globales de prévention et de transmission du sida de la mère à l’enfant à Montréal ; le Prix d’Excellence en diplomatie de santé publique globale, décerné par le conseil d’administration de la Jodhpur School of Public Health, en reconnaissance du remarquable travail accompli au Rajasthan depuis 1996 ou encore le « Life Time Contribution Award » en reconnaissance aux actions qu’elle mène dans l’ensemble des 35 États et Territoires de l’Union  Indienne, remis par le président de l’Inde Avul Pakir Jainulabdeen Abdul Kalam, et en présence d’Amartya Sen.

Ces distinctions récompensent l’itinéraire hors-norme d’une femme libre, humaniste et engagée dans son temps. Une femme animée par une soif de justice et par un ardent courage de vivre.

Le Courage de vivre est d’ailleurs le titre du livre autobiographique écrit par Albina du Boisrouvray et publié en 2022 aux Editions Flammarion.